Skip to main content

Actualité Juridique

Le travail dissimulé, souvent perçu à tort comme un raccourci administratif ou une solution flexible, reste une infraction grave au regard du droit du travail. Cette problématique prend une dimension encore plus délicate lorsque le salarié combine son emploi avec une activité indépendante en tant qu’autoentrepreneur.

Ce double statut, bien que légal dans certaines conditions, peut rapidement dériver vers des pratiques frauduleuses s’il est mal encadré. Focus sur les risques, les obligations légales et les précautions indispensables.

Travail dissimulé : ce que dit la loi

Selon l’article L8221-3 du Code du travail, le travail dissimulé (ou « travail au noir ») est caractérisé par l’une des pratiques suivantes :

  • L’absence de déclaration préalable à l’embauche (DPAE) : obligatoire pour tout nouveau salarié avant la prise de poste,
  • L’absence de remise de bulletin de paie,
  • La dissimulation d’une partie de l’activité salariée : que ce soit en termes d’heures travaillées, de rémunération ou d’emploi déclaré.

À noter : Le fait d’user du statut d’autoentrepreneur pour contourner les obligations liées au contrat de travail peut également être considéré comme une forme de dissimulation d’emploi salarié.

Les risques encourus

Le cas du double statut : salarié & autoentrepreneur

Le cumul entre salariat et micro-entreprise est légalement autorisé, sous certaines conditions strictes :

  • Aucune clause d’exclusivité n’est présente dans le contrat de travail,
  • Obligation d’informer son employeur,
  • Respecter le devoir de loyauté : le salarié ne doit pas concurrencer son employeur ni utiliser les ressources de l’entreprise à des fins personnelles,
  • Séparer clairement les deux activités : notamment en ne réalisant aucune prestation en tant qu’autoentrepreneur pour son propre employeur (sous peine de requalification).

Pour le risque de requalification de la prestation de service en contrat de travail

Au pénal : le délit de travail dissimulé peut être caractérisé.

Au niveau de l’Urssaf : assujettissement à cotisations sociales (prescription par 3 ans).

Aux prud’hommes : requalification en contrat de travail (rappel de salaire, heures supplémentaires, congés payés, indemnités de rupture, prévoyance… & dommages et intérêts). La prescription est d’1 an et 3 ans pour le paiement du salaire. Il y a également une indemnité de 6 mois pour la qualification de travail dissimulé.

Au niveau du pôle social : en cas d’accident du travail, la requalification va permettre au salarié de bénéficier de la protection de l’assurance maladie-accident du travail (tarification AT et prise en charge de l’éventuelle indemnité complémentaire).

Risque de requalification en contrat de travail :

Si une mission d’autoentrepreneur s’effectue dans des conditions similaires à un contrat salarié (subordination, horaires fixes, moyens fournis par l’entreprise, etc.), les juridictions peuvent requalifier la prestation en contrat de travail dissimulé. Cela entraîne des conséquences lourdes :

  • Versement rétroactif des cotisations sociales,
  • Paiement d’indemnités (congés payés, heures supplémentaires),
  • Éventuelles poursuites pénales.

Pour le travail dissimulé

Pour l’employeur :

  • Sanctions pénales : jusqu’à 45 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement pour une personne physique (et 225 000 € pour une personne morale),
  • Sanctions administratives : fermeture de l’établissement, exclusion des marchés publics, interdiction d’exercer,
  • Sanctions sociales et fiscales : redressement Urssaf, remboursement des exonérations ou aides perçues à tort (ex. : aides à l’embauche).

Pour le salarié :

  • Perte des droits sociaux : pas d’affiliation à l’assurance chômage, à la retraite ou à la sécurité sociale,
  • Risques de sanctions : en cas de complicité, voire d’auto-dissimulation (par exemple, en acceptant une « fausse » facture pour couvrir un emploi salarié déguisé),
  • Obligation de rembourser les aides perçues (RSA, prime d’activité, etc.) sur une période où l’activité n’a pas été déclarée correctement.

Cas pratique : une requalification typique

Cass, soc, 25 février 2004, n°01-46.785

M. X a été engagé par le Tennis Club de Peymeinade. Il a travaillé d’abord comme directeur salarié de l’école de tennis par contrats à durée déterminée (CDD), renouvelés chaque année jusqu’en 1994. À partir de 1994, une nouvelle convention l’a engagé pour un an comme moniteur, reconduite jusqu’en 1996.

M. X a ensuite saisi les prud’hommes pour :

  • Faire requalifier ses contrats en CDI ;
  • Obtenir des indemnités pour licenciement abusif.

La Cour d’appel avait rejeté la requalification du contrat de travail aux moyens de l’existence d’une convention entre les parties, de l’absence de bulletins de paie et du fait que l’administration fiscale considérait M. X comme travailleur indépendant.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, pour manque de base légale, en rappelant que la qualification de la relation de travail ne dépend pas de ce que les parties déclarent, ni de la manière dont elles désignent leur contrat, mais des conditions réelles d’exercice de l’activité.

Il ne suffit donc pas de dire qu’une personne est indépendante si, en réalité, elle agit dans un lien de subordination caractéristique du salariat. Un travailleur peut être considéré comme salarié, même si les parties ont voulu lui donner un autre statut (comme travailleur indépendant), si les faits révèlent une relation de subordination

À retenir : vigilance et traçabilité sont essentielles

Le travail dissimulé ne se limite pas aux emplois « au noir » classiques. Il peut revêtir des formes plus subtiles, notamment dans le cadre du faux freelancing. Le cumul d’activités, bien qu’autorisable, suppose une étanchéité stricte entre les deux statuts.

Pour éviter tout risque :

  • Formaliser les relations contractuelles,
  • Garder des preuves d’autonomie réelle (choix des horaires, des tarifs, des clients),
  • Ne jamais exercer la même fonction pour le même employeur en tant que salarié et autoentrepreneur.

Les autres actualité juridiques :

26 juin 2025
Travail non déclaré et autoentrepreneuriat salarié : gare aux abus.

Le travail dissimulé, souvent perçu à tort comme un raccourci administratif ou une solution flexible, reste une infraction grave au regard du droit du travail. Cette problématique prend une dimension…

Lire la suite
12 juin 2025
Affichage obligatoire dans les établissements pratiquant des activités physiques ou sportives

Le décret n° 2025-435 du 16 mai 2025 introduit une nouvelle obligation d’affichage pour les établissements où sont pratiquées des activités physiques ou sportives. Cet affichage est obligatoire en vertu…

Lire la suite
28 mai 2025
La prime partage de la valeur (PPV)

Employeurs concernés Les employeurs de droit privé y compris les travailleurs indépendants, les EPIC, les EPA et les Esat. Salariés concernés Tous les salariés de l’entreprise liés par un contrat…

Lire la suite
Aller au contenu principal